Le traité de Maastricht
Parce que l’objectif de « la réalisation progressive de l’union économique et monétaire » fixé par l’Acte unique européen (AUE) était considéré comme prioritaire, le Conseil européen de Hanovre de 1988 a décidé de confier la tâche d’élaborer un « Rapport sur l’Union économique et monétaire » à un comité – composé des gouverneurs des différentes banques centrales nationales, d’un membre de la Commission européenne et de trois personnalités – présidé par Jacques Delors, président de la Commission. Ce rapport, remis dix mois plus tard, indiquait que, sans un nouveau traité, il ne serait pas possible de progresser de manière significative vers l’union économique et monétaire. C’est dans cet esprit que le Conseil européen de Strasbourg a décidé, en 1989, de convoquer une conférence intergouvernementale.
Dans un climat politique en pleine évolution, après la chute du mur de Berlin et la disparition du rideau de fer, la nécessité de donner un nouvel élan à l’union politique devenait de plus en plus évidente. C’est pourquoi, lors du Conseil européen de Dublin qui s’est tenu en juin 1990, deux conférences intergouvernementales ont été convoquées, l’une sur l’union économique et monétaire et l’autre sur l’union politique. Ces conférences se sont ouvertes le 15 décembre 1990. Un an plus tard, en décembre 1991, lors du Conseil européen de Maastricht, un accord est trouvé sur le nouveau traité. Le traité sur l’Union européenne a été signé le 28 février 1992 et est entré en vigueur le 1er novembre 1993 après avoir été ratifié par tous les États membres.
La structure du traité
Le traité comprenait 37 articles et était rédigé en dix langues. Vingt déclarations y étaient annexées.
La structure du traité était la suivante :
Titre I – Dispositions communes
Titre II – Dispositions modifiant le traité instituant la Communauté économique européenne en vue d’instituer la Communauté européenne
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Titre III – Dispositions modifiant le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier
Titre IV – Dispositions modifiant le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique
Titre V – Dispositions relatives à une politique étrangère et de sécurité commune
Titre VI – Dispositions relatives à la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Titre VII – Dispositions finales
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Protocoles
Acte final
L’Union européenne
Le traité a établi une Union européenne fondée sur les trois Communautés européennes, une politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et une coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI). Ce nouveau cadre institutionnel est traditionnellement représenté sous la forme d’un temple grec à trois piliers. Ces trois piliers représentent les Communautés européennes, la PESC et la coopération dans les domaines de la JAI. Ils sont surmontés d’un fronton représentant les dispositions communes.
Le cadre institutionnel
L’Union possède un cadre institutionnel unique composé du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice et de la Cour des comptes.
Le traité a défini la composition et les fonctions du Conseil européen, bien que celles-ci aient déjà été mentionnées dans l’EES. Le Conseil est composé des chefs d’État ou de gouvernement des États membres et du président de la Commission. Ils sont assistés par les ministres des Etats membres chargés des affaires étrangères et par un membre de la Commission.
Le Conseil européen se réunit au moins deux fois par an, sous la présidence du chef d’Etat ou de gouvernement de l’Etat membre qui exerce la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Responsabilités de l’Union européenne
L’Union européenne se fixe les objectifs suivants :
– promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable, notamment par la création d’un espace sans frontières intérieures, par le renforcement de la cohésion économique et sociale et par l’établissement d’une union économique et monétaire, comprenant à terme une monnaie unique ;
– d’affirmer son identité sur la scène internationale, notamment par la mise en œuvre d’une politique étrangère et de sécurité commune incluant l’élaboration à terme d’une politique de défense commune, qui pourrait, à terme, aboutir à une défense commune ;
– de renforcer la protection des droits et des intérêts des ressortissants de ses Etats membres par l’instauration d’une citoyenneté de l’Union;
– de développer une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures;
– de maintenir intégralement l’acquis communautaire et de l’étendre.
Cadre financier
L’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et mener à bien ses politiques. Les dépenses administratives que les dispositions relatives à la PESC et à la JAI entraînent pour les institutions sont à la charge du budget des Communautés européennes. Les dépenses opérationnelles peuvent être imputées soit au budget des Communautés européennes, soit à celui des Etats membres.
Capacité juridique
Le traité ne donne pas la capacité juridique à l’Union. Seules les trois communautés ont la capacité juridique.
Le pilier communautaire
Cadre institutionnel
Le traité de Maastricht a renforcé les pouvoirs du Parlement en introduisant une autre procédure législative appelée codécision – qui donne au Parlement des pouvoirs encore plus importants que ceux résultant de la procédure de coopération – en étendant la procédure de coopération, en augmentant le nombre de cas dans lesquels l’avis conforme du Parlement est nécessaire, en reconnaissant dans les traités le droit du Parlement d’approuver ou de rejeter la Commission, en lui permettant de créer des commissions d’enquête et en renforçant le rôle du Parlement dans le contrôle budgétaire.
Le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union européenne a été étendu à de nouveaux domaines tels que la recherche et le développement, la technologie, l’environnement et la politique sociale.
Diverses modifications ont également touché la Commission. Le président de la Commission est nommé, d’un commun accord, par les gouvernements des États membres, après consultation du Parlement. La Commission est soumise à un vote d’approbation du Parlement, et le mandat de la Commission coïncide avec la législature du Parlement.
La Cour des comptes est devenue une institution établie dans les traités constitutifs.
Le médiateur, comme la Cour de justice, est un organe chargé de résoudre les litiges. Ses pouvoirs sont plus larges que ceux de la Cour de justice et, en même temps, plus spécifiques. Il est habilité à recevoir les plaintes de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège social dans un État membre concernant des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, à l’exception de la Cour de justice et du Tribunal de première instance agissant dans leur rôle juridictionnel.
Un nouvel organe a été créé afin de représenter les intérêts des organes régionaux et locaux. Il s’agit du Comité des régions.
En ce qui concerne l’union économique et monétaire, le traité a prévu la création de l’Institut monétaire européen dans le but, entre autres, de renforcer la coopération entre les banques centrales nationales, de renforcer la coordination des politiques monétaires nationales et de surveiller le fonctionnement du système monétaire européen. Il était composé d’un président et des gouverneurs des banques centrales nationales. Cet organe a été remplacé au début de la troisième phase de l’Union économique et monétaire par la Banque centrale européenne.
Une nouvelle procédure législative, à utiliser exclusivement dans le domaine de la politique sociale, a été introduite par le protocole sur la politique sociale. Sous certaines conditions, les partenaires sociaux peuvent décider d’établir des relations contractuelles pouvant déboucher sur un accord entre les parties ; à la demande des parties, cet accord peut être transformé en acte communautaire par le Conseil.
Pouvoirs et responsabilités
La Communauté européenne du charbon et de l’acier et la Communauté européenne de l’énergie atomique n’ont pas subi de modifications substantielles quant à leurs pouvoirs et responsabilités. La Communauté économique européenne a perdu sa connotation économique et est devenue la Communauté européenne. Cette modification implique un changement de la perspective globale de la Communauté européenne et permet de mieux concilier les différents objectifs de la Communauté. Dans le même ordre d’idées, le traité a créé une citoyenneté de l’Union, selon laquelle tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, bénéficie de la protection des autorités diplomatiques de tout État membre et a le droit d’adresser des pétitions au Parlement et de faire appel au médiateur européen.
En établissant un marché commun et une union économique et monétaire et en mettant en œuvre des politiques communes, la Communauté a désormais pour mission de promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux et équilibré des activités économiques, une croissance durable et non inflationniste respectueuse de l’environnement, un haut degré de convergence des performances économiques, un niveau élevé d’emploi et de protection sociale, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres.
Dans la réalisation de ses objectifs, la Communauté doit respecter le principe de subsidiarité, ce qui signifie qu’elle ne doit agir que lorsque les objectifs recherchés peuvent être mieux réalisés au niveau communautaire qu’au niveau des Etats membres.
La Communauté peut désormais agir dans de nouveaux domaines tels que la politique économique et monétaire, l’éducation et la jeunesse, la culture, la santé publique et les dispositions relatives aux visas. Ses pouvoirs d’intervention ont également été accrus dans des domaines qui étaient déjà des domaines « communautaires », tels que l’environnement, le développement des réseaux transeuropéens de transport, les télécommunications, l’énergie, la politique industrielle, le tourisme, la protection des consommateurs et la protection civile. En outre, une base juridique spécifique a été créée pour la politique de coopération au développement. Afin de surmonter l’opposition du Royaume-Uni, qui s’opposait à toute intégration accrue concernant la politique sociale, un protocole sur la politique sociale, qui permet aux autres États membres de progresser dans ce domaine, a été annexé au traité.
Champ d’application territorial
La référence dans le traité constitutif à l’application progressive du traité CEE à l’Algérie, devenue caduque avec l’indépendance de ce pays en 1962, a été supprimée.
Le deuxième pilier
Le traité sur l’Union européenne abroge les dispositions relatives à la coopération politique européenne (CPE) et introduit une véritable politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ses objectifs sont beaucoup plus ambitieux que ceux de la CPE. En effet, la coopération politique devient à la fois plus cohérente et plus contraignante. Le lien entre le pilier communautaire et le deuxième pilier est accentué par le fait que les dépenses administratives des institutions communautaires engagées dans le cadre de la PESC sont à la charge du budget communautaire.
Cadre institutionnel
Les principaux organes concernés par la PESC sont les suivants :
le Conseil européen, qui définit les principes et les orientations générales de la PESC;
le Conseil, qui adopte les positions communes et les actions communes. En outre, la présidence du Conseil, assistée de l’Etat membre qui a exercé la présidence au cours du semestre précédent et de celui qui exercera la présidence suivante, représente l’Union dans les matières relevant de la PESC ;
la Commission, qui joue un rôle secondaire par rapport au pilier communautaire, mais qui conserve un droit de proposition législative, partagé avec les Etats membres;
le comité politique, composé de directeurs politiques, qui suit la situation internationale et la mise en oeuvre des politiques concernées.
Pour les mesures adoptées dans le cadre de la PESC, le traité prévoit un système de décision qui repose essentiellement sur l’unanimité.
Pouvoirs et responsabilités
Les objectifs de la PESC sont de sauvegarder les valeurs communes, les intérêts fondamentaux et l’indépendance de l’Union, de préserver la paix et de renforcer la sécurité internationale, de promouvoir la coopération internationale, de développer et de consolider la démocratie et les droits de l’homme.
Le rôle de l’Union de l’Europe occidentale
L’Union européenne entend établir des relations institutionnelles plus étroites avec l’Union de l’Europe occidentale (UEO), en vue d’une éventuelle intégration de l’UEO dans l’Union. En conséquence, l’UEO est invitée à élaborer et à mettre en œuvre les décisions et les actions de l’Union qui ont des implications en matière de défense.
Le troisième pilier
Le traité sur l’Union européenne énumère les secteurs couverts par la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (JAI) : la politique d’asile, le franchissement des frontières extérieures, la politique d’immigration, la lutte contre la toxicomanie et la fraude à l’échelle internationale, la coopération judiciaire en matière civile et pénale, la coopération douanière et la coopération policière.
Cadre institutionnel
Le Conseil adopte des positions et des actions communes, à l’unanimité. Les mesures d’application correspondantes peuvent être adoptées à la majorité qualifiée augmentée. Le Conseil peut, statuant à l’unanimité, décider de rendre le nouvel article 100 C du traité CE applicable aux actions relevant de certains domaines de la JAI, après ratification au niveau national. En outre, le Conseil peut établir des conventions, sous réserve de ratification par les Etats membres.
Le traité sur l’Union européenne jette les bases de la création d’un organe de coopération en matière de lutte contre la criminalité, Europol.
Le comité de coordination, composé de hauts fonctionnaires et connu sous le nom de comité K.4. Comité, est chargé d’élaborer des avis pour le Conseil et de contribuer à la préparation des travaux du Conseil dans les domaines de la coopération en matière de JAI, ainsi que de la détermination des pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d’un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres.
Autres dispositions
Les procédures de révision et d’adhésion inscrites dans les traités CECA, CE et Euratom sont remplacées par une procédure unique applicable au traité sur l’Union européenne.
Le traité sur l’Union européenne fixe également une date pour la convocation d’une nouvelle conférence chargée d’examiner les dispositions du traité nécessitant une révision.
Plusieurs protocoles sont annexés au traité sur l’Union européenne. Parmi les plus importants figurent le protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, le protocole sur les statuts de l’Institut monétaire européen (IME), le protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, le protocole sur les critères de convergence visés à l’article 109 J du traité CE, le protocole sur le passage à la troisième phase de l’Union économique et monétaire, le protocole sur la politique sociale conclu entre les Etats membres de la CE à l’exception du Royaume-Uni et le protocole sur la cohésion économique et sociale.
Les plus importantes des déclarations sont celle sur le rôle de l’UEO et ses relations avec l’Union européenne et avec l’Alliance atlantique, et celle sur la coopération policière.