Qu’est-ce que l’analyse des isotopes stables ?

Les isotopes sont des atomes d’un même élément qui ont un nombre égal de protons et un nombre inégal de neutrons, ce qui leur donne des poids légèrement différents. Ils peuvent être divisés en deux catégories – radioactifs et stables.

Les isotopes radioactifs (par exemple le C-14) se désintègrent avec le temps, une propriété qui en fait des outils très importants pour la datation des découvertes archéologiques, des sols ou des roches. Les isotopes stables ont un noyau stable qui ne se désintègre pas. Leur abondance reste donc la même au fil du temps, ce qui permet de nombreuses applications utiles en archéologie (et dans d’autres disciplines comme l’écologie ou la médecine légale).

Les isotopes sont présents partout dans le monde dans lequel nous vivons et respirons, mais l’équilibre (ou les ratios) dans lequel les différents isotopes des mêmes éléments se produisent, varie entre différentes substances (par exemple, différents types d’aliments) et écosystèmes (par exemple, entre la terre et la mer ou entre différentes zones climatiques). Au fur et à mesure que nous grandissons et que nos tissus se renouvellent, les isotopes présents dans les aliments que nous mangeons et l’eau que nous buvons sont incorporés dans tous les tissus de notre corps, y compris notre squelette. En mesurant les rapports des différents isotopes dans les os ou les dents et en utilisant les connaissances scientifiques sur leur présence dans la nature pour remonter aux sources dont ils proviennent, les archéologues peuvent découvrir de nombreuses choses sur un individu, comme son régime alimentaire et l’environnement dans lequel il a grandi.

Il existe de nombreux isotopes stables utilisés par les archéologues, mais ceux qui sont le plus largement analysés sont :

  • le carbone : 13C (ou C-13) et 12C (ou C-12). Le rapport entre les deux (13C/12C) est normalement appelé valeurs δ13C (prononcé : delta-13-C).
  • azote : 15N (ou N-15) et 14N (ou N-14). Là encore, le rapport entre les deux (15N/14N) est donné comme valeurs δ15N (delta-15-N).
  • oxygène : 18O (O-18) et 16O (O-16), leur rapport (18O/16O) étant désigné comme valeurs δ18O (delta-18-O).
  • strontium : 87Sr (Sr-87) et 86Sr (Sr-86). Les rapports isotopiques du strontium sont appelés rapports 87Sr/86Sr.

Les rapports isotopiques sont mesurés à l’aide d’instruments d’analyse appelés spectromètres de masse à rapport isotopique (IRMS). Les rapports isotopiques stables du carbone et de l’azote sont le plus souvent utilisés pour explorer un large éventail de questions entourant le régime alimentaire (par exemple, la consommation de produits animaux ou de poisson ; l’âge du sevrage), tandis que la principale application des rapports isotopiques de l’oxygène et du strontium est de reconstituer les anciennes migrations (voir l’étape 2.11).

Analyse du régime alimentaire

Dans les années 1980, les chercheurs ont réalisé que les différents rapports des, isotopes du carbone et de l’azote dans les os humains peuvent fournir des informations sur le type de régime alimentaire consommé par les individus. Par exemple, les isotopes stables du carbone peuvent distinguer certains types de plantes, les plantes dites C3, qui constituent la grande majorité des plantes terrestres, et les plantes C4, qui comprennent notamment le maïs. Les premières applications de la méthode isotopique ont permis de retracer l’introduction de l’agriculture (maïs) en Amérique du Nord. En Europe, où il y avait très peu de plantes C4 dans l’Antiquité, les isotopes stables du carbone sont surtout utilisés pour distinguer les aliments terrestres des aliments marins (poissons et crustacés). Combinés aux ratios d’isotopes d’azote, qui augmentent plus un individu est haut dans la chaîne alimentaire et peuvent donc donner une indication de la quantité de produits animaux dans le régime alimentaire. Il est important de noter que cette méthode ne permet pas de distinguer la viande des produits laitiers (voir figure 1). Par exemple, des études sur nos habitudes alimentaires dans le passé ont révélé que les populations néolithiques ne consommaient pratiquement pas de poisson, un changement très radical par rapport au Mésolithique précédent, alors que les évêques médiévaux de haut statut consommaient beaucoup plus de poisson, associé au jeûne, que leur congrégation.

Figure 1. Rapports typiques des isotopes stables du collagène osseux pour l’Europe du Nord-Ouest, illustrant le principe de la reconstruction alimentaire.
© Müldner 2009, Université de Reading

Sevrage

Le sevrage est un terme pour décrire la transition progressive de l’alimentation d’un enfant du lait maternel à la nourriture solide. L’étude de l’âge du sevrage dans les populations passées repose sur le fait que les rapports des isotopes stables de l’azote et de l’oxygène varient en fonction du niveau « trophique » (ou point de la chaîne alimentaire) d’un individu. En allaitant, l’enfant consomme effectivement les tissus de sa mère, ce qui le place plus haut dans la chaîne alimentaire et augmente les rapports isotopiques de l’azote (ou δ15N) dans ses propres tissus. Lorsque le sevrage commence et que le lait de la mère est progressivement remplacé par d’autres aliments, le δ15N des tissus diminue et s’aligne sur les valeurs de la mère et des autres adultes de cette population.

De même, les isotopes de l’oxygène sont absorbés par l’organisme à partir de l’eau présente dans l’environnement. Lors de l’allaitement, un enfant consomme des niveaux élevés de 18O, qui diminuent progressivement à mesure que l’eau commence à être consommée à partir de sources isotopiquement plus « légères ». Le suivi des niveaux d’isotopes d’azote et/ou d’oxygène dans les dents (par rapport à l’âge de l’enfant lorsque cette dent s’est formée) nous aide à déterminer l’âge auquel l’enfant a été sevré du lait maternel et est passé aux aliments solides.

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