Les cliniques sans rendez-vous existent au Canada depuis la fin des années 1970, mais les données probantes sur qui les utilise et pourquoi, ainsi que sur leur efficacité et leur impact économique, sont d’une rareté déconcertante. Sur les neuf études primaires citées dans un examen des cliniques sans rendez-vous au Canada, publié dans ce numéro du BMJ (p 928), six étaient des enquêtes auprès de patients fréquentant des cliniques sans rendez-vous, des services d’urgence ou des cabinets de médecine générale ; une était un examen des dossiers cliniques de patients fréquentant une clinique après les heures normales de travail ; une enquête a été menée auprès d’informateurs du personnel des cliniques sans rendez-vous au sujet des dispositions organisationnelles et des services ; et une comparaison des coûts de traitement dans les cliniques sans rendez-vous, les cabinets de médecine générale et les services d’urgence à l’aide de données sur les demandes de paiement à l’acte d’un régime provincial d’assurance-maladie1. Toutes les études, à l’exception de deux, étaient basées sur une seule clinique sans rendez-vous ou après les heures d’ouverture, ou sur des échantillons de patients provenant d’un seul ou d’un petit nombre de cabinets de médecine générale. La plupart des études ont fourni des données datant du début des années 1990 ou d’avant et peuvent ne pas refléter l’utilisation actuelle.
La seule évaluation économique qui a été identifiée a conclu que le coût des soins dans les cliniques sans rendez-vous était similaire aux coûts dans les cabinets de médecine générale et qu’il était inférieur aux coûts dans les services d’urgence.2 Bien que cette étude présente des limites méthodologiques – y compris la mauvaise classification potentielle des cliniques sans rendez-vous, des cliniques après les heures d’ouverture et des cabinets de médecine générale, un degré inconnu d’inexactitude diagnostique et l’incapacité de distinguer si les visites ultérieures étaient pour la même condition que la visite initiale – les résultats sont conformes aux conclusions des États-Unis selon lesquelles les coûts sont plus élevés dans les services d’urgence que dans d’autres milieux de soins primaires3,4.
On manque de données probantes sur la qualité et l’efficacité des soins fournis dans les cliniques sans rendez-vous canadiennes par rapport à d’autres milieux de soins primaires ; il n’y a pas non plus de données probantes sur leur impact sur l’utilisation globale des services de soins primaires et sur les coûts des soins de santé primaires. Une étude récente comparant la qualité, l’utilisation, les coûts et la satisfaction des soins dans les cliniques sans rendez-vous, les services d’urgence et les cabinets de médecine générale dans la province de l’Ontario comblera partiellement cette lacune (données non publiées). Le registre des essais contrôlés de la Cochrane Library ne comprend aucune étude sur l’efficacité ou l’efficience des cliniques sans rendez-vous.
En l’absence de preuves, les défenseurs des cliniques sans rendez-vous prétendent que ces dernières font économiser des » millions de dollars » aux régimes provinciaux de soins de santé en réduisant le nombre de visites des patients aux salles d’urgence ; les détracteurs des cliniques sans rendez-vous les accusent de fournir des » soins fragmentés et intermittents » parce qu’elles ne s’occupent pas des soins préventifs, de la gestion des maladies chroniques et des problèmes psychosociaux.5
Les cliniques sans rendez-vous se sont développées au Canada non pas à la suite de décisions politiques délibérées des ministères provinciaux de la santé, mais en réponse aux opportunités entrepreneuriales offertes par le financement public des services des médecins par le biais de paiements à l’acte. N’ayant joué aucun rôle dans leur création, les ministères de la santé sont restés sur la touche, ne prenant aucune initiative politique pour décourager ou encourager leur prolifération.
En l’absence de cliniques sans rendez-vous, les options qui s’offrent au public sont l’autotraitement, les soins dans un service d’urgence ou les soins par un médecin généraliste. Les personnes qui décident de se soigner elles-mêmes ou qui doivent attendre d’être vues par un médecin généraliste peuvent, ainsi que leurs soignants, éprouver divers degrés d’inquiétude. Théoriquement, une autotraitement inapproprié ou un retard dans les soins pourrait entraîner une morbidité qui aurait pu être évitée par un traitement en temps utile. Malheureusement, rien ne prouve que l’accès plus rapide aux soins offert par les cliniques sans rendez-vous réduit la morbidité subséquente.
Presumément, les décideurs politiques ne voudraient pas établir des cliniques sans rendez-vous comme substituts aux autosoins appropriés ou aux soins dispensés par les médecins généralistes, à moins qu’ils n’accordent une grande importance à la réduction de l’anxiété. Si les décideurs voulaient encourager l’auto-soin, ils pourraient se tourner vers des interventions d’éducation du public comme alternative aux cliniques sans rendez-vous.
Les décideurs peuvent, cependant, souhaiter détourner les soins pour les conditions mineures aiguës des services d’urgence vers d’autres cadres de soins primaires, y compris éventuellement les cliniques sans rendez-vous et les cabinets de médecine générale. Avant de le faire, ils doivent examiner les dispositions à mettre en place dans ces trois cadres pour encourager ce transfert tout en veillant à ce que les besoins et les attentes raisonnables des patients soient satisfaits. Les options pourraient inclure l’élaboration de politiques facilitant l’accès aux services de médecine générale pendant et en dehors des heures normales de consultation ; elles pourraient également inclure des services de triage et de conseil par téléphone assurés par des infirmières. Les services téléphoniques pourraient soulager l’anxiété de nombreux patients qui se soignent eux-mêmes ou qui attendent de voir un médecin généraliste, et ils pourraient également constituer des services complémentaires pour les » bien portants inquiets « .6-8 Comme dans toutes les initiatives politiques, il faut des objectifs clairement spécifiés, une prise en compte des effets qui pourraient se produire ailleurs dans le système de santé et au-delà, une anticipation des réponses potentielles des parties prenantes (en particulier, dans le cas des cliniques sans rendez-vous, des patients et des médecins généralistes), et une évaluation planifiée à l’avance, financée de manière adéquate et rigoureuse des innovations.