Les anomalies de performance des vaccins sont des événements ou des observations qui vont à l’encontre des paradigmes actuels sur les propriétés d’un vaccin. Dans le paradigme actuel, le vaccin contre le poliovirus inactivé (VPI) induit une immunité sérique pour protéger l’individu contre la poliomyélite, mais pas une immunité muqueuse pour prévenir une infection ultérieure par le poliovirus sauvage. Par conséquent, on estime qu’il ne convient pas pour interrompre la transmission du virus dans les pays tropicaux et en développement où la polio est endémique, et où la transmission du poliovirus serait principalement fécale-orale, contrairement aux pays où l’assainissement est excellent, où elle est principalement respiratoire. Le vaccin oral contre le poliovirus (VPO), parce qu’il est censé imiter l’infection naturelle (sauvage) par le poliovirus et induire une immunité sérique et muqueuse, est considéré comme idéal pour interrompre la transmission du virus dans les pays où l’assainissement est insuffisant et où la polio est endémique. De plus, les virus du vaccin sont excrétés dans les selles et on suppose qu’ils se propagent par voie féco-orale aux enfants non vaccinés du voisinage, ce qui augmente son efficacité dans la communauté. Ces paradigmes sur les deux vaccins peuvent être vus dans les manuels standards de virologie et de pédiatrie. En réalité, le VPI induit une immunité muqueuse très élevée chez un modèle de singe, qui dure au moins 12 mois et offre une protection complète contre le défi oral du virus sauvage. Lors des essais sur le terrain, le VPI s’est avéré avoir une efficacité vaccinale (VE) très élevée et retarder considérablement la transmission du virus sauvage dans les communautés. Le VPO, qui nécessite cinq à sept doses pour une protection individuelle, ne semble pas induire une immunité muqueuse efficace. Par conséquent, 10 à 15 doses de VPO et une couverture vaccinale proche de 100 % sont nécessaires pour interrompre la transmission du virus dans les pays où l’assainissement est insuffisant. Dans le modèle de singe, l’infection par le poliovirus sauvage n’a offert aucune protection des muqueuses contre une seconde infection, ce qui indique que l’infection par le virus vivant n’est pas le meilleur moyen d’induire une immunité des muqueuses (sauf si elle est répétée plusieurs fois). L’immunité induite par le VPO a deux branches, la protection individuelle (par l’immunité sérique) et la protection muqueuse contre une infection ultérieure par le virus sauvage ; ces deux branches sont dichotomiques, comme le prouvent encore les enfants protégés qui participent à la transmission du virus sauvage lors de flambées épidémiques dans des communautés bien vaccinées par le VPO. Rien ne prouve que les poliovirus, sauvages ou vaccinaux, se propagent par voie féco-orale dans une mesure significative. L’âge médian de la polio en Inde, à l’époque pré-vaccinale, et même ces dernières années, était de 12-18 mois. Aucune autre infection féco-orale n’a un âge médian aussi bas. La transmission du virus de la rougeole est respiratoire, et l’âge médian de la rougeole est de plus de deux ans. Le virus sauvage est excrété par voie fécale, mais à l’âge où les microbes fécaux infectent les enfants, la plupart d’entre eux sont déjà immunisés contre les maladies causées par les poliovirus. Quant aux virus vaccinaux, même lorsque des inocula lourds sont administrés de manière répétée, les enfants ne sont pas toujours infectés. Que l’exposition à de petites quantités de virus par contamination fécale (contrairement aux microbes qui se multiplient dans les aliments) les infecte, est une attente irréaliste. Il y a suffisamment d’anomalies pour que nous révisions les anciens paradigmes. Le VPI est un meilleur immunogène que le VPO et est totalement sûr. Pendant l’intervalle entre l’arrêt de la transmission du virus sauvage et l’arrêt mondial de la vaccination antipoliomyélitique, il sera avantageux d’utiliser le VPI, en particulier associé au vaccin DPT, pour assurer une protection individuelle, et un effet de troupeau pour empêcher la propagation en cas d’introduction de poliovirus sauvages, involontairement ou non, et pour renforcer le programme élargi de vaccination.