Discussion
Ce cas montre qu’une rhombencéphalite infectieuse avec des lésions visibles à différents niveaux du tronc cérébral peut provoquer une combinaison de modèles respiratoires pathologiques. Ce patient présentait un dysfonctionnement de la commande respiratoire avec un schéma respiratoire de type apneustique avec des désaturations intermittentes en oxygène et une augmentation de la PtcCO2 pendant l’éveil et une insuffisance respiratoire autonome pendant le sommeil.
Le terme rhombencéphalite est utilisé pour décrire une encéphalite impliquant le tronc cérébral et/ou le cervelet. L’infection pneumococcique est une cause très rare de rhombencéphalite, avec seulement quelques cas rapportés précédemment.5
Les patients atteints du locked-in syndrome sont quadriplégiques et présentent une anarthrie avec une conscience et des fonctions respiratoires, cardiaques et vasomotrices préservées. Le locked-in syndrome est causé par des lésions destructives bilatérales du tronc cérébral, affectant les voies corticospinales, corticopontines et corticobulbaires. Les causes les plus fréquentes sont l’accident vasculaire cérébral ischémique et l’hémorragie.6,7 Les autres causes comprennent les traumatismes,7 les abcès pontins,8 et les tumeurs du tronc cérébral.9 Notre patient souffre d’un syndrome de verrouillage incomplet, avec préservation de la respiration volontaire et de certains mouvements de la main gauche et de l’ouverture de la bouche. L’IRM a confirmé la présence de lésions au niveau des pyramides médullaires et de l’apophyse (voir Fig. 1), qui sont responsables de l’état d’enfermement et des troubles décrits. A notre connaissance, il s’agit du premier cas de locked-in (incomplet) dû à une rhombencéphalite pneumococcique. De plus, en raison d’une lésion plus large du tegmentum latéral du pons, le patient présentait une insuffisance respiratoire autonome, ce qui n’est pas typique du locked-in syndrome.
Le contrôle de la respiration chez l’homme est complexe et n’est pas encore totalement compris. Ce n’est pas notre objectif d’en discuter en détail, mais nous allons en donner un bref aperçu. Chez les sujets normaux, la respiration est contrôlée par des centres respiratoires situés dans le tronc cérébral.10 Ces centres respiratoires reçoivent des entrées provenant des cellules centrales des stimulateurs respiratoires, des chimiorécepteurs centraux et périphériques, des mécanorécepteurs, du mésencéphale et des voies volitives (respiration volontaire11). Trois zones du tronc cérébral sont considérées comme importantes : le PRG ou centre pneumotaxique dans le pont et les groupes respiratoires ventral (VRG) et dorsal (DRG) dans la moelle. Le PRG contient des neurones d’inspiration, d’expiration et d’expansion de phase et est impliqué dans la modification et le contrôle fin du rythme respiratoire. Le VRG est le générateur du rythme respiratoire, tandis que le DRG est le principal moteur respiratoire rythmique des neurones moteurs phréniques.
Les lésions du tronc cérébral peuvent provoquer des anomalies caractéristiques du schéma respiratoire. Chez les animaux, la respiration apneustique est produite par la section pontine. Ce type de respiration consiste en un temps d’inspiration prolongé avec une pause en fin d’inspiration par rapport à un temps d’expiration plus court et est très rare chez l’homme.1 Notre patient présentait un schéma respiratoire de type apneustique lorsqu’il était éveillé, avec une inspiration profonde et prolongée, et un temps d’inspiration relativement plus long par rapport à un temps d’expiration plus court mais sans pause en fin d’inspiration évidente (voir Fig. 2). Ce schéma respiratoire a entraîné un épuisement, avec une augmentation de la PtcCO2 et de la fréquence cardiaque peu de temps après l’arrêt du ventilateur (voir figure 3). A l’IRM, une gliose chronique avec dégénérescence wallérienne au niveau du pons pouvait être observée (Fig. 1) et est probablement responsable de ce schéma respiratoire de type apneustique.
L’insuffisance respiratoire autonome est causée par la destruction de la médulla latérale affectant le VRG, ses connexions avec le DRG, et les fibres se croisant dans le tractus réticulospinal. Chez notre patient, l’IRM a révélé une gliose chronique avec dégénérescence wallérienne au niveau du bulbe rachidien (Fig. 1) suite à une rhombencéphalite à pneumocoque, ce qui pourrait expliquer l’origine centrale des apnées. À notre connaissance, il s’agit de la première description d’une insuffisance respiratoire autonome causée par une rhombencéphalite pneumococcique.
Parce que le schéma respiratoire de type apneustique entraînait un épuisement et une augmentation de la PtcCO2 peu de temps après l’arrêt du ventilateur, l’implantation d’un système de stimulation du nerf phrénique a été proposée. La stimulation du nerf phrénique peut améliorer la ventilation et éliminer la nécessité d’une assistance ventilatoire à pression positive continue chez certains patients souffrant d’une insuffisance respiratoire due à une lésion ou une maladie du système nerveux central. Elle augmente la respiration sans ventilateur et réduit les coûts. Le rétablissement de la ventilation en pression négative améliore également l’olfaction. Les complications possibles de ce traitement sont liées à la chirurgie (infection locale et complications pulmonaires après une chirurgie thoracique) ou au système de stimulation (dysfonctionnement technique ou lésion du nerf phrénique).12 En raison de son état d’immobilisation incurable, la patiente a refusé cette thérapie.