La stéatohépatite non alcoolique (NASH) est une affection hépatique chronique qui peut évoluer vers une maladie hépatique terminale et éventuellement se présenter sous forme de cirrhose cryptogénique (CC).1, 2 La prévalence de la NASH est inconnue, mais elle touche environ 8 millions d’adultes aux États-Unis2. La pathogénie de la NASH reste mal comprise, mais un dysfonctionnement mitochondrial a été proposé.3 Le dysfonctionnement des muscles oculaires est une caractéristique commune des troubles mitochondriaux systémiques.4
Ayant observé sporadiquement un regard disconjugué intermittent (IDG) chez des patients atteints de NASH et de CC, nous avons cherché à déterminer la prévalence de l’IDG dans ces deux populations par rapport aux patients atteints du virus de l’hépatite C (VHC) dont la maladie est de gravité similaire. Cent dix-neuf patients externes vus dans notre cabinet d’hépatologie et atteints de NASH prouvée par l’histologie (n = 43), de CC (n = 31) et de VHC (n = 45) ont été examinés prospectivement pour détecter la présence d’IDG. L’IDG a été détectée en examinant l’amplitude de mouvement des muscles oculaires (Fig. 1). Dans tous les cas, le dysfonctionnement concernait le regard horizontal mais pas le regard vertical, et seuls quelques patients étaient conscients de sa présence, dans certains cas depuis l’enfance. Nous avons constaté que cinq des 43 (12 %) patients atteints de NASH, 7 des 31 (23 %) patients atteints de CC et aucun du groupe VHC présentaient une IDG, P = 0,05 et P = 0,001, respectivement, par rapport aux patients atteints de VHC (12 des 74 patients combinés NASH et CC contre 0 des 45 patients VHC, P = 0,01). Les 12 patients atteints d’IDG (âge 54 ans ± 10) se composaient de 5 femmes et de 7 hommes, avec un IMC moyen de 37 ± 7. 9 avaient un diabète sucré de type 2, 5 avaient une consommation d’alcool modeste dans le passé, alors que 7 étaient abstinents à vie, et 3 n’avaient pas de cirrhose. Les patients ont nié toute connaissance de troubles musculaires ou mitochondriaux dans leur famille. Cependant, chez les patients de l’IDG, les antécédents familiaux étaient positifs pour deux d’entre eux pour la paralysie cérébrale et trois avaient des antécédents familiaux de troubles neurodégénératifs (2 maladies de Parkinson et 1 maladie d’Alzheimer).
Le regard disconjugué intermittent, une forme de dysfonctionnement des muscles oculaires distincte de la neuropathie oculaire diabétique, a été détecté de manière significative chez les patients atteints de NASH et de CC par rapport aux patients atteints du VHC. Le dysfonctionnement mitochondrial, observé dans certaines myopathies oculaires4, pourrait expliquer la sensibilité variable au stress oxydatif dans différents tissus. De telles conditions pourraient résulter d’altérations acquises ou congénitales de l’équilibre entre le stress oxydatif et le système anti-oxydant ou d’une altération du métabolisme énergétique dans les tissus métaboliquement actifs.5 La présence récemment décrite d’un dysfonctionnement mitochondrial dans le muscle squelettique de la progéniture résistante à l’insuline de patients atteints de diabète de type 2 soutient le rôle de la mitochondrie dans ce trouble.5 Nous spéculons que l’IDG est une caractéristique distinctive de la NASH, et peut indiquer davantage la nature systémique de la maladie du foie gras et de la lipotoxicité, ce qui mérite une étude plus approfondie.