Heures canoniques, en musique, mises en musique du service de prière publique (office divin) de l’Église catholique romaine, divisé en Matines, Laudes, Prime, Terce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Les premières communautés monastiques composaient une série complète d’heures pour le matin, le midi et le soir ; les cathédrales et les églises paroissiales avaient incorporé toutes les heures au 8e siècle, et au 9e siècle, la structure était fixe.
Les éléments musicaux que l’on retrouve dans les heures comprennent des antiennes (textes habituellement chantés avant et après les psaumes), et des tonalités de psaumes (formules d’intonation des psaumes), des répons (textes habituellement chantés après les leçons, ou lectures scripturaires), des hymnes et des tonalités de leçons. Les premières mises en musique des heures étaient chantées en plain-chant (une seule voix, en rythme non mesuré). Comme dans le cas de la messe, la musique des heures a absorbé des tropes, ou ajouts musicaux et textuels, notamment dans les répons des Matines (voir trope ; chant grégorien).
Les mises en musique des heures conservent certains des plus anciens exemples de polyphonie, l’art de la combinaison simultanée de mélodies. Ainsi, le Winchester Troper, un manuscrit du Xe ou XIe siècle copié pour les offices de la cathédrale de Winchester, contient l’un des plus grands ensembles de mises en musique anciennes à deux voix des répons pour Matins. Le Codex Calixtinus espagnol (vers le 12e siècle) comprend également une polyphonie à deux voix pour les répons de Matins.
La polyphonie courante au monastère de Saint-Martial à Limoges en France a été développée par Léonin, un compositeur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, vers 1160-80, dans ses répons à deux voix pour Matins. Son successeur, Pérotin, a élargi le travail de Léonin, en composant non seulement en deux parties mais aussi en trois et quatre parties. Les deux hommes ont travaillé sur le Magnus Liber Organi ( » Grand Livre de l’Organum « ), une collection d’organums à deux parties pour toute l’année ecclésiastique.
Au 15e siècle, les mises en musique polyphoniques pour les vêpres étaient les plus courantes, mais on trouve quelques mises en musique de répons pour Matines et d’hymnes pour Laudes. Le Bourguignon Guillaume Dufay surtout, ainsi qu’un autre Bourguignon Gilles Binchois, et l’Anglais John Dunstable ont fourni un répertoire standard qui survit dans les manuscrits de toute l’Europe. Ce répertoire comprend des hymnes de vêpres, des psaumes, des antiennes et des Magnificats (mise en musique du cantique de la Vierge Marie) dans un style à trois voix dominé par les aigus (partie supérieure élaborée sur deux parties inférieures souvent instrumentales et plus lentes). Ils utilisaient également le style faux-bourdon à trois voix, dans lequel la voix médiane se déplace parallèlement à la partie supérieure à l’intervalle d’une quarte en dessous d’elle, tandis que la partie inférieure se déplace en sixièmes parallèles (comme dans E-C) avec la partie supérieure. Les psaumes ne sont devenus plus fréquents qu’après 1450. La formule de psaume en plain-chant alterne parfois avec une mise en musique polyphonique à trois voix, souvent en style fauxbourdon. En 1475, l’imitation mélodique est de plus en plus utilisée dans tous les arrangements musicaux, et la texture à quatre parties devient standard.
Au 16e siècle, un regain d’intérêt se manifeste pour les arrangements polyphoniques des heures. L’éditeur luthérien Georg Rhau a publié plusieurs éditions des Vêpres entre 1538 et 1545. Suite aux réformes liturgiques catholiques romaines promues par le Concile de Trente (1545-63), des cycles d’hymnes et de services de Vêpres ainsi que des arrangements de Matines, Laudes et Complies pour les principales fêtes apparurent. Ils étaient exécutés dans de nombreuses églises locales et dans les séminaires nouvellement créés. Les psaumes étaient désormais mis en place dans le style falsobordone : une texture d’accord à quatre voix ayant le ton du psaume plain-chant dans la partie supérieure.
Très importantes au XVIe siècle étaient les mises en place de Matins et de Laudes pour les jeudi, vendredi et samedi de la Semaine Sainte pendant le service de Tenebrae ( » ténèbres « ), au cours duquel 15 bougies étaient individuellement éteintes jusqu’à ce que l’église soit dans l’obscurité totale. À Matines, il y a neuf leçons, chacune se terminant par un répons. Les trois premières leçons sont tirées du Livre des Lamentations de la Bible. De nombreux arrangements polyphoniques ont été réalisés à partir des textes de Tenebrae. Parmi les plus célèbres figurent les Lamentations et répons de l’Espagnol Tomás Luis de Victoria (1585). Avec les Vêpres de Claudio Monteverdi (1610), un nouveau style émerge. Les services religieux inspirés par l’orchestre révolutionnent la tradition polyphonique de la musique ecclésiastique.
Au 18e siècle, Wolfgang Amadeus Mozart écrit deux services de Vêpres pour solistes, chœur et orchestre. Au XIXe siècle, des tentatives ont été faites pour faire revivre le chant des vêpres en rééditant des mises en musique du XVIe siècle. La composition dans ce style a également été encouragée par le mouvement Cecilian (fondé en 1868), qui a promu la réforme de la musique d’église catholique romaine.
Au 17e et 18e siècles, les Lamentations ont été mises en musique pour voix solistes et instruments de musique. Au XXe siècle, des mises en musique des Lamentations et des répons ont été composées par Igor Stravinsky (1958), Ernst Krenek (1957) et Francis Poulenc (1962).
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