Arcanes majeurs

Dans l’esprit populaire, le tarot est associé de manière indélébile à la divination, à la voyance ou à la cartomancie. Le tarot n’a pas été inventé comme un outil de divination mystique ou magique. L’association du tarot à la cartomancie coïncide avec son adoption par les francs-maçons comme source de sagesse éternelle et divine. En effet, ce sont les mêmes personnes qui ont publié des commentaires ésotériques sur le tarot magique et mystérieux (par exemple Antoine Court de Gébelin et le Comte de Mellet) qui ont également publié des commentaires sur le tarot divinatoire. Il y a une ligne de développement du tarot cartomantique qui se produit parallèlement à l’imposition de mystères hermétiques sur le jeu de cartes autrefois banal, mais qui peut être utilement distinguée. C’est le comte de Mellet qui a initié ce développement en suggérant que les anciens Égyptiens avaient utilisé le tarot pour la divination et fournit une méthode prétendument utilisée dans l’Égypte ancienne. À la suite de MCM, Etteilla a fait progresser le tarot cartomantique de façon spectaculaire en inventant une méthode de cartomancie, en attribuant une signification divinatoire à chacune des cartes (à l’endroit et à l’envers), en publiant La Cartonomancie française (un livre détaillant la méthode) et en créant les premiers jeux de tarot destinés exclusivement à la pratique de la cartomancie. La méthode originale d’Etteilla était conçue pour fonctionner avec un jeu de cartes commun connu sous le nom de jeu de piquet. Ce n’est qu’en 1783, deux ans après la publication du Monde Primitif par Antoine Court de Gébelin, qu’il met son expertise cartomantique au service du développement d’une méthode cartomantique utilisant le jeu de tarot standard (c’est-à-dire marseillais). Son expertise est formalisée avec la publication du livre Maniere de se récréer avec le jeu de cartes nommées tarots et la création d’une société de cartomancie du tarot, la Société littéraire des associés libres des interprètes du foie de Thot. Cette société a ensuite publié le Dictionnaire synonimique du foie de Thot, un livre qui « répertorie systématiquement toutes les significations possibles que chaque carte peut avoir, à l’endroit et à l’envers ».

Après Ettielle, la cartomancie du tarot a été développée par Marie-Anne Adelaid Lenormand (1768-1830) et d’autres. Lenormand fut la première et la plus célèbre cartomancienne des étoiles, prétendant être la confidente de l’impératrice Joséphine et d’autres sommités locales. Elle était si populaire, et la cartomancie avec le tarot est devenue si bien établie en France à la suite de son travail, qu’un jeu spécial intitulé le Grand Jeu de Mlle Lenormand a été publié en son nom deux ans après sa mort. Il a été suivi par de nombreux autres jeux de tarot cartomantique spécialement conçus, principalement basés sur le symbolisme égyptien d’Ettielle, mais certains offrant également d’autres saveurs (par exemple bibliques ou médiévales). Le tarot en tant qu’outil cartomantique et divinatoire est bien établi et de nouveaux livres exposant l’utilité mystique du tarot cartomantique sont publiés en permanence.

MysticismeEdit

Au début du XVIIIe siècle, les écrivains maçonniques et les clercs protestants avaient établi les atouts du tarot comme des sources faisant autorité de l’ancienne sagesse hermétique et de la gnose chrétienne, et comme des outils révélateurs de l’inspiration cartomantique divine, mais ils ne se sont pas arrêtés là. En 1870, Jean-Baptiste Pitois (plus connu sous le nom de Paul Christian) écrit un livre intitulé Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalité à travers les temps et les peuples. Dans ce livre, Christian identifie les atouts du tarot comme représentant les « scènes principales » des « épreuves » initiatiques de l’Égypte ancienne. Christian fournit une analyse approfondie des rites d’initiation de l’Égypte ancienne qui implique des pyramides, 78 marches et la révélation initiatique de secrets. Decker, Depaulis, et Dummett écrivent:

À un stade de la procédure d’initiation, nous dit Christian… le postulant descend une échelle de fer, avec soixante-dix-huit échelons, et entre dans une salle de chaque côté de laquelle se trouvent douze statues, et, entre chaque paire de statues, un tableau. Ces vingt-deux tableaux, lui dit-on, sont des Arcanes ou hiéroglyphes symboliques ; la Science de la Volonté, principe de toute sagesse et source de tout pouvoir, y est contenue. Chacun correspond à une « lettre de la langue sacrée » et à un nombre, et chacun exprime une réalité du monde divin, une réalité du monde intellectuel et une réalité du monde physique. Les significations secrètes de ces vingt-deux arcanes lui sont alors exposées.

Christian tente de donner de l’autorité à son analyse en attribuant faussement à Iamblichus un récit des anciens rites d’initiation égyptiens, mais il est clair que si les atouts du tarot ont une quelconque pertinence initiatique, c’est Christian qui est la source de cette information. Néanmoins, l’histoire de l’initiation au tarot inventée par Christian est rapidement renforcée par la création d’un journal occulte en 1889 intitulé L’Initiation, la publication d’un essai d’Oswald Wirth dans le livre de Papus, Le Tarot des Bohémiens, qui affirme que le tarot n’est rien de moins que le livre sacré de l’initiation occulte, la publication du livre de François-Charles Barlet intitulé, sans surprise, L’Initiation, et la publication du Tarot des Bohémiens par le Dr. Papus (alias Dr Gérard Encausse). Suite à cette activité, la pertinence initiatique du tarot était fermement établie dans l’esprit des praticiens occultes.

L’émergence du tarot en tant que chef-d’œuvre initiatique coïncidait avec, et s’intégrait parfaitement dans, la floraison des ordres ésotériques initiatiques et des confréries secrètes au milieu du 19ème siècle. Par exemple, le marquis Stanislas de Guaita (1861-1897) a fondé l’ordre cabalistique de la Rose-Croix en 1888 avec plusieurs commentateurs clés du tarot initiatique (par exemple, le Dr Papus, François-Charles Barlet et Joséphin Péladin). Ces ordres accordaient une grande importance aux secrets, à la progression dans les grades et aux épreuves initiatiques. Il n’est donc pas surprenant que, disposant déjà du tarot, ils y aient lu une signification initiatique. Il n’est donc pas surprenant que, ayant déjà le tarot à portée de main, ils y aient lu une signification initiatique. Cela a non seulement donné un air d’autorité divine, mystique et ancienne à leurs pratiques, mais leur a aussi permis de continuer à exposer la signification magique et mystique du tarot, vraisemblablement ancien et hermétique. Quoi qu’il en soit, cette activité a établi la signification du tarot en tant que dispositif et livre d’initiation non seulement dans l’esprit des praticiens de l’occulte, mais aussi (comme nous le verrons plus loin) dans l’esprit des praticiens du nouvel âge, des psychologues jungiens et des universitaires en général.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.